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le 10 février 2001 à l’occasion de la présentation du livre « ![]() |
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Père Nicolas : Puisque c’est à l’occasion du Jubilée de la Paroisse que vous publiez ce livre, à part le fait que les peintures ornent les murs de l’église, y a-t-il une relation plus profonde entre l’évènement fêté et la peinture des deux iconographesE. van Taack, élève de Léonid Ouspensky, est responsable depuis 1998 d’un atelier d’iconographie, dépendant de l’Eglise serbe, sous l’omophore de monseigneur Luka, l’Atelier des Saints Apôtres. ? - La relation, c’est la nature de la Tradition elle-même ! Qu’est-ce que la Tradition ? Comme l’a dit un jour le métropolite Jean Zizioulas, dans un sermon pour la fête du Saint Hiéromartyr Charalambos, « la Tradition, c’est la Croix ».Père N. : Dans la première partie de ce reportage, vous avez parlé de la pratique de l’icône qui doit être découverte dans la considération de leurs œuvres. De quoi s’agit-il ?
Les fondateurs de la Paroisse et avec eux, Léonide et Père Grégoire, ont obéi à la parole du Christ au jeune homme riche : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ! » ; ils ont renoncé à l’« establishment » et à la « political correctness », comme on dirait aujourd’hui, c’est-à-dire, ils ont renoncé à eux-même, ils ont pris leur Croix et ils ont suivi le Christ. Et le Seigneur, en retour, leur a donné son Esprit Saint : « Donne ton sang et reçois l’Esprit ».
En eux, la Tradition s’est manifestée comme vivante : théologie, spiritualité, droit canon, monachisme, musique, liturgie, histoire, peinture, sculpture, pastorale, architecture – que l’on songe à la manière dont les peintures du père Grégoire s’inscrivent dans l’architecture contemporaine (cf. aussi Moisenay) – avec une sainteté et une originalité rarement atteinte. La vie également, le mode de vie, est une création de la Tradition.- L’icône véritable n’est jamais répétition de formes figées. Monseigneur Kallistos Ware écrivait récemment qu’il y a deux sortes de théologiens : ceux qui ont la vision de Dieu et ceux qui ne l’ont pas ; les premiers seuls savent de quoi ils parlent, les autres doivent répéter humblement ce qu’ils entendent. C’est exactement la même chose dans l’icône, les uns « copient », les autres « inventent ». Mais l’icône, et la pratique de l’iconographie telle que nous l’enseignent les deux iconographes, nous permet d’affiner légèrement l’affirmation de Monseigneur Kallistos : même dans une apparente répétition, ou disons, dans le cas de l’icône, dans la copie apparente, il y faut une incarnation vivante et créatrice même si c’est dans une totale modestie et dans un effacement complet.Père N. : Cela semble jeter un éclairage nouveau sur la nature de l’icône ?
Le fondement, tant pour ceux qui ont la vision que pour ceux qui ne l’ont pas, c’est la vie spirituelle. Seul son approfondissement rend possible la création. Mais c’est également son approfondissement qui fait qu’une humble copie peut devenir aussi une œuvre vivante et féconde.
Tout ceci est valable en retour pour la théologie.
Le caractère parfois déroutant de l’œuvre des deux iconographes tient au fait qu’ils sont pleinement du 20ième siècle et pleinement traditionnels, « intemporellement » orthodoxes. Cela suppose la « Nouveauté de l’Esprit », et pour le réaliser et pour le comprendre aussi, dans une certaine mesure. Comme le dit saint Paul, « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté ! » La peinture du Père Grégoire est particulièrement l’expression de cette obéissance au Saint Esprit qui est LA liberté. Et de ce fait, ce qu’il nous montre, c’est la lumière du Royaume, « l’admirable lumière », qu’évoque Saint Basile le Grand dans la Liturgie.- En effet ! Non seulement l’icône est conforme à l’enseignement apostolique, mais elle est, elle-même, enseignement apostolique ! L’iconographe nous fait toucher, voir, contempler nous-mêmes, « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché (…) et nous l’avons vu et nous rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée … » dit Saint Jean, ce que l’iconographe a touché, vu, contemplé... L’icône est donc apostolat et Evangile, Bonne Nouvelle !Père N. : Le terme « vie spirituelle » est assez flou, de nos jours… Que devons nous entendre par là ?- Comme dit l’Archimandrite Sophrony, il n’y a de vie spirituelle authentique qu’ascétique, théologique et ecclésiale. Cela suppose un conscience, non seulement existentielle, mais aussi dogmatique et canonique. De même l’icône doit être juste sur tous les plans : théologique, dans ce qu’elle signifie, spirituel, dans ce qu’elle exprime, et plastique, dans ce qu’elle montre. C’est cela sur quoi se fonde le discernement indispensable tant au salut qu’à la peinture des icônes. Grâce à cela, l’icône peut ne pas être non plus une invention humaine, fût-elle conforme à une théorie du Christianisme, mais Révélation, comme la Sainte Ecriture !Père N. : Que voulez- vous dire par là ?- L’icône est transmission d’une vision intérieure objective, une vision du monde à venir, non pas comme se l’ « imagine » même un Saint, mais comme le Saint Esprit Lui-même le lui révèle, le lui fait voir… le Christ vivant en Lui !
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