LA FONDATION DE LA PAROISSE DES TROIS SAINTS HIÉRARQUES :les fondements théologiques et spirituels du retour à l’Icône.
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L’importance des canons de l’Eglise
Mais tout cela était par essence impossible sans la rigueur dogmatique dont l’icône véritable, ou « catholique », comme nous l’avons appelée plus haut, est l’expression directe. Le livre d’Ouspensky composé par la suite d’articles publiés petit à petit, la Théologie de l’icône, est le résultat de cet approfondissement et de cette redécouverte du dogme orthodoxe accomplis par la Confrérie. Mais la rigueur dogmatique, pour être féconde, doit se maintenir dans l’amour, c’est-à-dire avant tout dans la communion de l’Eglise. C’est là que se manifeste toute l’importance du respect des canons, si essentiel pour les Confrères.
« Le miracle de la catholicité, écrit V.Lossky, révèle dans la vie même de l’Eglise l’ordre de vie propre à la Sainte Trinité. Le dogme de la Trinité, ‘catholique’ par excellence, est le modèle, le ‘canon’ de tous les canons de l’Eglise, le fondement de toute l’économie ecclésiastique (81)». « Les canons de l’Eglise ne sont pas des formules magiques dont l’application et l’observance aveugle suffirait à créer l’unité ecclésiastique. Ils marquent la limite au-delà de laquelle l’unité d’obéissance à l’Eglise serait rompue, la limite de cette unité qui exclut toute ‘volonté propre’ à l’image de la Sainte Trinité où il n’existe qu’une seule Volonté. Ou plutôt, puisqu’il s’agit de l’Eglise, Corps du Christ – une union indissoluble des deux volontés : « il a plu à l’Esprit Saint et à nous ». Tant que les canons sont respectés, l’indépendance de l’Eglise, sa liberté vis-à-vis du monde, son autonomie restent intactes : l’Eglise demeure inébranlable, invincible à travers tous les siècles de son histoire, malgré toutes les persécutions. (…) Mais là où on méprise les canons, le sens de l’indépendance de l’Eglise s’affaiblit. Sa vie se confond avec celle du monde extérieur. (…) En exerçant le pouvoir canonique, la hiérarchie doit toujours poursuivre un double but : la défense de la liberté de l’Eglise vis-à-vis des éléments de ce monde, d’une part, l’économie à l’égard du monde en vue de son salut, d’autre part (82)».
On voit donc que l’image de la Sainte Trinité préservée dans l’Eglise par les canons, ne consiste pas dans une identité avec la structure tri-hypostatique, mais dans l’identité de la « vie », l’ « unité d’obéissance », c’est-à-dire l’identité du lien qui relie les personnes entre elles, la communion d’amour, qui correspond en Dieu à l’unité de la nature, et dans l’Eglise elle-même et vis-à-vis du monde. La perte de ce lien implique que la vie de l’Eglise « se confond avec celle du monde », or la vie qui est celle du monde, c’est le péché, les passions, la division, et la mort. Quand à la structure de l’Eglise, elle est très clairement décrite par Saint Paul comme celle d’un corps humain avec ses divers membres et dont la tête est le Christ, ou bien comme celle de l’édifice, composé de pierres vivantes, dont le Christ est la pierre angulaire(83).
Le Père Grégoire décrit avec une grande force cette unité de l’Eglise : « Cette unité, qui constitue la nature de l’Eglise, est le vase précieux et intact qui garde la sainteté de l’Eglise. (…) De même qu’un liquide ne peut remplir qu’un vase qui n’est pas cassé, de même la sainteté ne peut être dans sa plénitude que là où n’est pas endommagée son unité. (…) Toute hérésie et tout schisme dans l’Eglise sont la destruction de l’image de la Sainte Trinité, image dans laquelle naît et vit l’unité indissoluble de l’Eglise. (…) La force de l’unité ecclésiale n’est pas dans une uniformité élémentaire, mais dans un accord aux multiples composantes ; elle est née par l’accord indissoluble [des personnes] de la Sainte Trinité. (…) C’est seulement dans la lumière de la Sainte Trinité que peut être comprise l’unité de l’Eglise. (…) La succession apostolique qui a été donnée par le Sauveur après la Résurrection, a reçu une confirmation définitive dans la fête de la descente du Saint Esprit et a été emplie de la gloire agissante et de la plénitude de l’action spirituelle.
« Le principe de la hiérarchie, confié aux Apôtres, a brillé à la Pentecôte d’une pureté éternelle (84) et ce pouvoir des Apôtres a reçu la possibilité d’être transmis par l’imposition des mains apostoliques et, par droit de succession, des mains épiscopales ; il est transmis, gardé et agit dans l’Eglise comme une sorte de mouvement ininterrompu, comme un flot intarissable (85)».
81) La théologie mystique de l'Eglise d'Orient, Paris, 1944, p. 174.82) Lossky, " Ecueils ecclésiologiques ", Le Messager de l'Exarchat du Patriarche russe en Europe Occidentale, n° 1, 1950, p. 16-21, repris dans La Vie Spirituelle, n° 19, p.629.
83) Entre autres : Première Epître aux Corinthiens XII, 12-27 et Ephésiens, 2, 19-22.
84) " Il n'est pas permis d'éprouver d'avance une méfiance vis-à-vis de la hiérarchie ecclésiastique, du fait qu'un évêque (ou qu'un groupe d'évêques) peut toujours faillir dans sa tâche. Une telle attitude introduit dans la vie de l'Eglise un esprit trouble et anarchique, une sorte d'individualisme protestant qui, en dernier lieu, ne veut pas reconnaître que l'Eglise tient du Christ lui-même le pouvoir absolu de lier et de délier et qu'elle dispose de toutes les conditions nécessaires pour que ce pouvoir puisse fonctionner sans défaillance. " V.Lossky, article cité, p. 627.
85) On peut constater, à la lecture de ces lignes, combien le Père Grégoire percevait concrètement, avec une sensibilité transfigurée et sanctifiée, les réalités spirituelles les plus hautes, comme ici la communion de l'Eglise. Carnets d'un peintre d'icônes, p .95-98.
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